jeudi 4 avril 2019

ÉLECTION EUROPÉENNE. CE N’EST QU’UN DÉBUT, POUR CONTINUER LE DÉBAT


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 LES DOUZE PARTICIPANTS AU DÉBAT
 TÉLÉVISÉ DE JEUDI SOIR 
France 2 ouvre ce soir le bal des débats télévisés en vue du scrutin du 26 mai, et s’est vu imposer la présence des douze têtes de liste. Ou comment s’impose la démocratie contre la dictature de l’audience.
Lionel Venturini
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La justice est-elle l’ennemie de la liberté ? En contestant le jugement du tribunal administratif de Paris qui a ordonné lundi à France 2 d’inviter douze têtes de liste aux Européennes pour le débat ce soir, ou à défaut de les inclure dans un rendez-vous similaire avant le 23 avril, la justice a considéré que leur absence portait atteinte au « principe du caractère pluraliste de l’expression des courants de pensée et d’opinion ». Au départ, France 2 n’avait invité que sept têtes de liste. Le PCF, puis l’UDI ont vivement protesté pour avoir été écartés de la joute, faisant valoir notamment qu’ils disposent de groupes parlementaires et ne pouvaient être simplement zappés du débat public. Ils ont finalement obtenu gain de cause et leurs têtes de liste respectives, Ian Brossat et Jean-Christophe Lagarde, seront sur le plateau de France 2. Puis, mardi, la chaîne a consenti à accueillir trois autres candidats, qui l’avaient attaquée en justice : Benoît Hamon (Génération. s), Florian Philippot (les Patriotes) et François Asselineau (UPR). Reste Nathalie Arthaud (LO) qui attaque à son tour en référé. France 2 n’est pas la seule à être sur la sellette, parce que CNews, pour son débat du 10 avril, refuse jusqu’ici d’inviter Fabien Roussel, le secrétaire national du PCF, « faute de chaises en nombre suffisant », selon une réponse faite au PCF. Celui-ci appelle à un rassemblement, lundi 8 à 18 h 30, devant la chaîne... en amenant des chaises. De son côté, la FI proteste également car Cnews réclame Mélenchon et lui seul.

Pour la chaîne publique, qui s’est pliée à la décision tout en faisant appel du jugement, avançant une « grave » atteinte à la liberté de la presse, ce n’est pas le bon angle d’attaque, pointe Philippe Moreau-Chevrolet. Le consultant, enseignant à Sciences-po, souligne que « c’est bien le rôle du service public de donner à voir la palette des nuances politiques. Je trouve ainsi plus choquant que ce soit le président de la République qui choisisse qui l’interviewe ». Autrement, c’est laisser carte blanche aux chaînes privées pour un traitement people à la Karine Le Marchand, ou du « clash » en plateau, dénoncé par Christian Salmon. L’auteur de Storytelling, décortiquant en 2007 comment, notamment, la mise en récit avait envahi la sphère politique, a publié en début d’année son prolongement avec l’Ère du clash. À cet « effondrement de la confiance dans le langage », désormais, l’essayiste oppose le besoin de délibération démocratique retrouvée, de souci du commun. Un débat comme celui de ce soir peut-il y répondre ? Douze intervenants, ce n’est pas forcément un problème pour des chaînes de télévision d’abord préoccupées d’audience. Depuis les débats des primaires, relève Philippe Moreau-Chevrolet, « elles ont appris à mettre en scène le débat choral ». L’irruption des chaînes tout info avec leur besoin de débats multipliés en plateau pour occuper l’antenne « a également habitué le téléspectateur à disposer de points de vue variés autour de la table », explique le consultant. Elles n’ont pas forcément à s’en plaindre en terme d’audience ; le 4 avril 2017, le débat à onze candidats à la présidentielle rassemble une audience cumulée entre BFM, CNews et RMC de 6,3 millions de téléspectateurs. Un débat peut tout autant être un déclencheur, comme l’effondrement de Marine Le Pen entre les deux tours de 2017, qu’un révélateur, comme celui d 20 mars 2017 qui confirme une dynamique de campagne.

Certes, l’élection européenne mobilise moins qu’une présidentielle ; à ce jour, abstention et indécision sont les grands gagnants. Alors, ce soir, l’enjeu est véritablement démocratique, s’agissant d’un débat encore loin du scrutin, dans deux mois. Les têtes de liste pourront avancer leurs propositions pour améliorer, réformer, ou sortir de l’UE. Dans une élection à la proportionnelle avec une liste nationale, « toute exposition médiatique est bonne à prendre, surtout quand rien n’est encore solidifié dans l’électorat », souligne Philippe Moreau-Chevrolet. Surtout quand les derniers scrutins, présidentiel et législatifs, montrent « qu’il n’y a aujourd’hui aucune position politique installée. Qui peut prédire ce que sera En marche dans deux ans » ? La présence d’un plus grand nombre de têtes de listes contribue aussi à rebattre les cartes.