dimanche 24 juin 2018

LA JUSTICE TARDE À SANTIAGO


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 PHOTOMONTAGE AMERICAS QUARTERLY
Après plusieurs semaines de délibération, la Cour suprême chilienne doit rendre son verdict dans le procès des assassins d'Orlando Letellier en 1976. L'armée s'agite. 
Monique Markowicz [Mercredi, 31 Mai, 1995] 
MARCOS ORLANDO LETELIER DEL SOLAR
 PHOTO COLORISÉE PAR  LAUTARO VERGARA
La Cour suprême chilienne a annoncé qu'elle rendrait au plus tard aujourd'hui son verdict dans le procès des deux anciens officiers accusés des meurtres, en 1976, à Washington, d'Orlando Letellier, ex-ministre des Affaires étrangères de Salvador Allende, et de sa secrétaire, Ronnie Moffit. L'action en justice - qui dure depuis dix-huit ans - touche à sa fin et a été engagée contre Manuel Contreras (ex-chef de la DINA) et son principal collaborateur, Pedro Espinoza.

Ces deux sinistres personnages sont aussi impliqués dans trois autres attentats. Dans un pays où la loi d'amnistie décrétée par Pinochet en 1978 permet que des centaines de meurtres et de disparitions d'opposants restent impunis, ces dossiers concentrent aujourd'hui toute l'attention de l'opinion publique.

Un premier procès avait entraîné les condamnations de Contreras et d'Espinoza, respectivement à sept ans et six ans de prison. Condamnation bien légère alors que près de deux cents combattants contre la dictature sont encore en prison et que certains encourent des condamnations à perpétuité. Mais condamnation tout de même. Un procès en appel s'en est suivi en février 1995, filmé par la télévision, où les victimes ont réclamé une peine plus lourde et les accusés, bien sûr, l'acquittement.

La torture sur les femmes

On en est là. La décision de la Cour a tardé, comme si l'on voulait donner le temps aux militaires de s'organiser. C'est ainsi qu'il faut comprendre différentes déclarations fracassantes, notamment celles du fils de Contreras annonçant qu'il y aurait effusion de sang si on venait chercher son père.

Des généraux et leurs troupes ont rendu visite à Contreras le week-end dernier dans son ranch au sud du pays; des exercices militaires ont eu lieu samedi à Valparaiso. Enfin, un ex-agent de la DINA, Osvaldo Romo, emprisonné pour l'assassinat d'Alfonso Chafreau, raconte, à vous donner froid dans le dos, comment il pratiquait la torture sur les femmes: «Celles-ci sont habituées à la souffrance par les accouchements, alors il faut faire plus fort». L'atmosphère est bien lourde à Santiago.

MONIQUE MARKOWICZ