mardi 30 octobre 2018

FRANCE: LE PRÉSIDENT CUBAIN DIAZ-CANEL EN VISITE MERCREDI


MIGUEL DIAZ-CANEL
Le président cubain Miguel Diaz-Canel sera demain en France où il doit déjeuner avec le premier ministre Edouard Philippe avant de poursuivre une tournée qui le mènera en Russie, en Corée du Nord, en Chine, au Vietnam et au Laos, a annoncé La Havane. Le déjeuner avec Edouard Philippe figure à l'agenda de Matignon. 
Par Le Figaro.fr avec AFP
« Dans chacun de ces pays, le président cubain sera reçu par les plus hautes autorités de l'Etat et du gouvernement, avec lesquelles il échangera sur les principaux sujets figurant aux agendas bilatérales respectives et il analysera les dossiers internationaux d'intérêt commun », a déclaré hier soir Emilio Lozada, un des responsables du ministère cubain des Affaires étrangères. La tournée du président cubain est prévue du 1er au 12 novembre. Miguel Diaz-Canel a succédé le 19 avril aux frères Fidel et Raul Castro.

lundi 29 octobre 2018

HISTOIRES D'INFO. AU BRÉSIL AUJOURD'HUI COMME AU CHILI DE PINOCHET, LES INTÉRÊTS ÉCONOMIQUES DES ÉTATS-UNIS SONT ASSURÉS

FRIEDMANN ET PINOCHET
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HISTOIRES D'INFO PAR THOMAS SNÉGAROFF
 -FRANCE INFO-
« AU BRÉSIL AUJOURD'HUI COMME AU CHILI DE PINOCHET, 
LES INTÉRÊTS ÉCONOMIQUES DES ÉTATS-UNIS SONT ASSURÉS »
DIFFUSÉ LE LUNDI 29 OCTOBRE 2018 

Les marchés accueillent avec beaucoup d’enthousiasme l’élection de Jaïr Bolsonaro comme président du Brésil. Cela  rappelle une autre période, sombre, de l’histoire sud-américaine.

C’était en 1973, au Chili. Le 11 septembre, un coup d’Etat militaire renverse le gouvernement de gauche de Salvador Allende et place au pouvoir une junte dirigée par le général Pinochet qui met immédiatement terme à la démocratie. Les marchés accueillent avec joie cette nouvelle. Le patron des patrons chilien, M. Salhi, est lui aussi enthousiaste. Il faut dire que les dollars commencent à arriver dans le pays. On est quelques semaines seulement après le coup d’Etat :

L'interviewé : "Les crédits arrivent. Justement nous avons une mission financière qui vient de Washington pour faire une enquête sur les besoins du capital."

Le journaliste : "Il appartient aux nouveaux dirigeants du pays de démontrer à l'homme du peuple qu'il ne sera pas sacrifié au veau d'or de la libre entreprise."

Le Chili est un laboratoire du néo-libéralisme 

La main des Etats-Unis n’est pas invisible, c’est le moins que l’on puisse dire. 
Pinochet est entouré d’un petit groupe d’économistes, diplômés de l’université de Chicago où ils ont commencé à suivre notamment l’enseignement du très libéral Milton Friedman à la fin des années 1950. L’Ecole de Chicago avait signé un partenariat avec l'université pontificale catholique du Chili en 1956. Ces Chiliens qui vont se rapprocher de l’extrême droite dans les années 1960 par haine du marxisme, on les appelle les "Chicago boys" et ils vont libéraliser leur pays pour le grand bonheur des marchés, et plus particulièrement des marchés états-uniens. Friedman parlera de  "miracle chilien", nourri par les privatisations et l’afflux de dollars dans une économie de plus en plus endettée et financiarisée. Le Chili est largement un laboratoire du néo-libéralisme qui servira de carburant à la mondialisation. 

Des "Chicago boys" dans l’entourage de Bolsonaro

Bolsonaro, longtemps protectionniste, s’est converti au libéralisme. Un vaste programme de privatisation de 150 entreprises est annoncé dans un contexte de libéralisation de l’économie. 

L’homme de la conversion s’appelle Paulo Guedes et en 1974, il a intégré le département économique de l’Université de Chicago où il croise à son tour le grand manitou du monétarisme et du libéralisme, Milton Friedman. 

Et hier au Chili comme aujourd’hui au Brésil, les marchés ne s’intéressent pas aux menaces sur l’état de droit ou l’environnement. Non, ils applaudissent, se léchant les babines devant des opportunités d’investissement, ou plus encore de spéculation.

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samedi 27 octobre 2018

AU CHILI, LA LONGUE LUTTE DES MAPUCHE POUR LEURS TERRES

« AU CHILI, LA LONGUE LUTTE DES 
MAPUCHE POUR LEURS TERRES» 
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AU CHILI, LA LONGUE LUTTE DES MAPUCHE POUR LEURS TERRES
FRANCE 24

CHRONIQUE DES DROITS DE L'HOMME

 LE  GÉNÉRAL FÉLON AUGUSTO PINOCHET
ET SALVADOR ALLENDE, ANCIEN
PRÉSIDENT DU CHILI
PHOTO REUTERS
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CHRONIQUE DES DROITS DE L'HOMMEPAR VÉRONIQUE GAYMARD
 -RADIO FRANCE INTERNATIONALE-
« VINGT ANS APRÈS L'ARRESTATION DE PINOCHET: ENTRETIEN AVEC REED BRODY»,
DIFFUSÉ LE SAMEDI 27 OCTOBRE 2018

    Il y a 20 ans, le 16 octobre 1998, l’ancien dictateur chilien Augusto Pinochet était arrêté à Londres. Ce sont des plaintes de victimes chiliennes de la dictature de Pinochet, qui a gouverné le Chili pendant 17 ans depuis le coup d’Etat de 1973, qui en vertu de la compétence universelle, ont permis son arrestation à Londres. Même si le dictateur chilien est mort sans avoir été jugé, son arrestation à Londres a marqué un tournant dans la justice internationale. Reed Brody, conseiller juridique de Human Rights Watch revient sur cette jurisprudence qui inspire encore de nombreuses victimes de tortionnaires aujourd’hui, avec Véronique Gaymard.


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    vendredi 26 octobre 2018

    LITHIUM: LE GÉANT CHINOIS TIANQI PREND 24% DE SON CONCURRENT CHILIEN SQM


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     ILLUSTRATION FABIÁN RIVAS  

    La Cour constitutionnelle du Chili a autorisé jeudi la compagnie minière chinoise Tianqi a acheter 24% de la société chilienne SQM, géant du lithium et concurrent, une transaction controversée de 4 milliards de dollars.
    La Croix avec l'AFP
    La juridiction chilienne "a pris la décision de rejeter le recours" déposé par le groupe chilien Pampa, a dit à des journalistes le président de la Cour, Gonzalo Garcia. Ce concurrent dénonçait un risque de monopole car les deux entreprises font partie des trois plus gros producteurs de lithium au monde.

    Cet arrêt de la Cour constitutionnelle est définitif, sans autre recours.

    LITHIUM
    Le chinois Tianqi rachète les parts de la société canadienne Nutrien, qui devait se défaire avant avril de cette participation dans la Société chimique et minière du Chili (SQM) pour satisfaire l'autorité indienne de la concurrence. Cette cession était nécessaire à une fusion entre Agrium et l'indien Potash, qui a donné naissance à Nutrien.

    Dans un premier temps, l'autorité chilienne de la concurrence, le Tribunal chilien de la libre concurrence (TDLC), avait donné son accord à ce rachat des 24% de SQM par Tianqi.

    La décision était contestée par les principaux actionnaires de SQM, qui exploite l'un des plus grands gisements du monde de lithium.

    Les entreprises Pampa Calichera, Potasios de Chile et Global Mining, regroupées au sein du groupe Pampa qui détient 29,12% de la Société chimique et minière du Chili ont argumenté que la transaction était incompatible avec la libre concurrence.

    SQM et Tianqi font partie des trois principaux acteurs du marché du lithium dans le monde, avec l'américain Albermarle, n°1 du secteur.

    - Plus grandes réserves mondiales -

    L'opération "permet à un acteur du marché de détenir en partie un de ses concurrents directs et de participer à sa gestion ainsi que d'avoir accès à des informations confidentielles et économiquement sensibles pour le marché mondial du lithium", ont estimé les actionnaires de SQM quand ils ont déposé le recours, le 11 octobre devant la Cour constitutionnelle du Chili.

    Le parquet financier chilien avait ouvert en juin une enquête afin de déterminer si cette opération entravait la libre concurrence, la société chinoise étant partenaire, sur d'autres marchés, du groupe minier américain Albemarle, concurrent direct de SQM au Chili.

    Comme l'enquête du parquet financier avait conclu que l'opération pourrait nuire à la libre concurrence, la société chinoise avait accepté une série de mesures pour apaiser les craintes. Les dirigeants de Tianqi ne devraient ainsi pas participer à la gestion de SQM et ne devraient pas intégrer les instances de décision de SQM.

    "En posant certaines limites, cette opération est compatible avec la libre concurrence, car les risques ne sont pas très importants", a déclaré lundi le procureur chargé des questions économiques, Mario Ybar.

    Une fois l'opération réalisée, Tianqi pourrait contrôler jusqu'à 70% du marché mondial du lithium, en tenant compte des partenariats avec le géant américain.

    La SQM exploite le lithium dans le désert d'Atacama, dans le nord du Chili, l'un des plus grands gisements du monde de lithium. Ce métal sert à la fabrication des batteries, en plein boom avec le développement des voitures électriques et des équipements électroniques.

    Le Chili, qui possède les plus grandes réserves mondiales de lithium (52% du total), se dispute avec l'Australie la place de premier producteur mondial. Les deux pays avoisinent chacun les 40% de la production totale de ce métal.

    Les avocats de la société chinoise ont dénoncé l'intention de Pampa, dirigé par Julio Ponce Lerou, ex-gendre du dictateur Augusto Pinochet, de faire durer la procédure, afin selon eux de saboter la transaction. afp

    AU CHILI, LA LONGUE LUTTE DES MAPUCHE POUR LEURS TERRES


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    AU CHILI, LA LONGUE LUTTE DES MAPUCHE POUR LEURS TERRES
    PHOTO EFE
    Dans le sud du Chili, le conflit historique qui oppose les indigènes Mapuche aux forces de l'ordre se radicalise : incendies, menaces et confrontations armées se sont multipliés ces derniers mois. À tel point que les autorités n’hésitent pas à parler de "terrorisme" dans la région, et font usage de la force pour mater la rébellion. Des pratiques largement condamnées par l’ONU et les défenseurs des droits de l’Homme.
    « AU CHILI, LA LONGUE LUTTE DES 
    MAPUCHE POUR LEURS TERRES» 
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    AU CHILI, LA LONGUE LUTTE DES MAPUCHE POUR LEURS TERRES
    FRANCE 24


    Les reporters de France 24 se sont rendus à Temuco, dans le sud du Chili, bastion historique de la lutte des Mapuche, un peuple indigène qui représente 10 % de la population chilienne. Depuis l’arrivée des colons espagnols au XVIe siècle, les Mapuche ont perdu 95 % de leur territoire dit ancestral, aujourd’hui principalement aux mains de grands groupes qui exploitent les ressources forestières et hydrauliques.

    Peu convaincus par les maigres concessions territoriales de l'État chilien dans les années 1990, certains groupes d’activistes indigènes se sont radicalisés, allant jusqu'à réclamer l'autonomie. Ils ont pris pour cible les entreprises installées sur des territoires revendiqués par leur communauté. À force de sabotages de machines et d’incendies volontaires, ces groupes masqués ont instauré un climat de peur dans la région.

    L'occupation territoriale, principale arme de résistance

    Nos journalistes sont allés à la rencontre des activistes autonomistes radicalisés, qui, malgré leur grande médiatisation, ne représentent qu’une petite minorité de la population mapuche. Extrêmement méfiants, ils refusent catégoriquement tout entretien devant des caméras. Nous avons tout de même obtenu un accès rare à Héctor Llaitul, leader de la principale organisation autonomiste, la CAM.

    Hormis ces groupes de résistance radicalisés, la majorité des communautés mapuche vivent de façon pacifique - bien qu'illégale - sur des terres privées appartenant à des entreprises forestières ou hydrauliques. Plus que les sabotages et les incendies, l’occupation territoriale est devenue l’arme principale de la lutte mapuche. Ces communautés espèrent gagner leur combat contre les propriétaires terriens par l’usure, au risque d’être délogées par les autorités.

    Dialogue de sourds

    Mais pour faire face aux revendications des Mapuche, l'État chilien a mis en place une répression systématisée. Aujourd’hui, la région est fortement militarisée. Des voitures blindées, parfois accompagnés de chars ou d’hélicoptères, patrouillent quotidiennement sur les chemins d’accès aux communautés. Les Mapuche sont régulièrement confrontés à la justice, qui leur oppose la loi antiterroriste, héritée de la dictature de Pinochet.

    Durant ce tournage, nos reporters ont parfois eu l’impression d’être face à un dialogue de sourds. La lutte ne cesse de s’enflammer, pourtant ni les activistes autonomistes mapuche, ni les autorités chiliennes ne se montrent ouvertes à la négociation. À l’heure actuelle, aucune brèche en faveur de la paix ne semble se dessiner.
    Par Ingrid PIPONIOT , Vincent RIMBAUX

    mercredi 24 octobre 2018

    LORÀNT DEUTSCH EN LINGUISTE ET BFMTV EN PORTE-PAROLE D’ERIC ZEMMOUR


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    LORÀNT DEUTSCH EN LINGUISTE ET BFMTV
    EN PORTE-PAROLE D’ERIC ZEMMOUR
    Sur France 5, Anne-Elisabeth Lemoine fait réagir Lorànt Deutsch à ses propos. Sur BFMTV, Nathalie Levy donne à ses thèses le caractère d’évidences. Pas de doute, Eric Zemmour est bien le phare de la pensée contemporaine.
    Samuel Gontier

    «À l’origine, le français était la langue dominante en Europe. » À l’origine ? Quelle origine ? Chez les Néandertaliens, peut-être ? Anne-Elisabeth Lemoine reçoit Lorànt Deutsch dans C à vous pour la sortie d’un livre dans lequel « le comédien s’est penché sur l’origine et l’histoire des mots. Aujourd’hui, l’influence de notre langue s’est un peu affaiblie mais vous dites que le français ne disparaîtra jamais ». « On va les pulvériser, les Anglais ! », assure l’invité, rappelant qu’ils nous doivent une grande partie de leur vocabulaire : «L’anglais est une seconde façon de parler français. »

    CAPTURE D'ÉCRAN
    Anne-Elisabeth Lemoine propose à Lorànt Deutsch de prendre parti dans un débat dont elle rappelle les termes les plus sereins : « Est-ce qu’on est moins français ou est-ce qu’on risque d’être moins français si l’on apprend l’arabe à l’école ? La proposition de Jean-Michel Blanquer a suscité une levée de boucliers à droite. » Chouette, France 5 rediffuse les interventions de Xavier Bertrand et de Nicolas Dupont-Aignan sur BFMTV. Et Lorànt Deutsch réagit : « Je ne vois aucun intérêt à apprendre l’arabe à l’école. Sachez que dans la langue française, il y a plus de 600 ou 700 mots arabes. » Argh ! C’est énorme. Du coup, on risque d’être « moins français » si on apprend le français. « Il y a cinq à huit fois plus de mots arabes que de mots gaulois dans la langue française. » Le grand remplacement l’a déjà emporté. « Finalement, le français est pétri d’arabe. » Je me serai bien rabattu sur l’anglais, mais c’est une seconde façon de parler français pétri d’arabe.

    « Pardon », intervient Patrick Cohen. J’imagine qu’il va contester le brillant raisonnement de Lorànt Deutsch… Mais non, il s’en prend à Xavier Bertrand et à Nicolas Dupont-Aignan : « Pour Jean-Michel Blanquer, il s’agissait de développer l’enseignement de l’arabe et pas de le rendre obligatoire comme le disent ceux qu’on a vus en vidéo. » De toute façon, il est déjà doublement obligatoire puisque le français pétri d’arabe et l’anglais lui-même pétri de français sont enseignés dans toutes les écoles.

    CAPTURE D'ÉCRAN
    Pour recentrer le débat, Anne-Elisabeth Lemoine délaisse Nicolas Dupont-Aignan et s’appuie sur un autre penseur. « Quand Eric Zemmour reproche à Hapsatou Sy de porter un prénom qui ne reflète pas l’histoire et le passé de la France, il se trompe ? » Lorànt Deutsch réagit : «Je pense qu’il est beaucoup plus intelligent que ce qu’il a dit. » C’est un esprit brillant mais sur ce point, il a tort : « J’ai pas un prénom de saint mais je me sens quand même très-très français. » Ouf, je suis rassuré.

    CAPTURE D'ÉCRAN
    Pierre Lescure intervient : « Le linguiste que vous êtes écoute beaucoup les jeunes pour choper des nouvelles tendances. » Ça alors, Lorànt Deutsch est linguiste en plus d’être historien ! C’est notre Chomsky à nous. Selon lui, « c’est grâce à une langue qu’on devient plus intelligent parce qu’on a plus de nuance, de subtilité ». En revanche, en apprendre une autre rend plus bête — surtout si c’est l’arabe.

    Maxime Switek, dans sa chronique, revient sur la vidéo d’un lycéen qui a braqué sa professeure avec une arme et sur le hashtag #pasdevague lancé par des enseignants confrontés à la violence qui regrettent le manque de soutien de l’administration. « Jean-Michel Blanquer a reconnu que trop souvent on a mis la poussière sur le tapis. » Et le tapis sous la poussière.

    CAPTURE D'ÉCRAN
    Les membres du gouvernement s’accordent à dire qu’il faut « responsabiliser les parents ». Du coup, «Les Républicains remettent une vieille proposition sur la table : baisser voire supprimer les allocations familiales en cas d’absentéisme répété d’un élève à l’école ». Problème, rapporte Maxime Switek, « Le Parisien raconte que son père a la réputation d’être strict et que c’est précisément pour éviter sa colère que l’élève voulait à tout prix être noté “présent”. C’est d’ailleurs son père qui l’a accompagné au commissariat. Lorànt Deutsch, comment vous réagissez ? » « Il a raison d’être strict, c’est vrai qu’il fallait au moins qu’il l’accompagne au commissariat. J’espère qu’il lui a mis une bonne droite avant. » En plus d’être historien et linguiste, Lorànt Deutsch fait un excellent pédagogue.

    CAPTURE D'ÉCRAN
    Arrive enfin l’heure du « grand débat » que promeut BFMTV à longueur de bandes-annonces : «Eric Zemmour, essayiste, face à Patrick Weil, historien.» À l’heure dite, le bandeau affiche : « Zemmour-Weil : le duel ». Ça va saigner. La présentatrice, Nathalie Levy, annonce que la première partie de l’émission sera consacrée à l’histoire et la seconde à l’actualité. Un nouveau bandeau prévient qu’il s’agira de discuter les thèses d’un seul des deux invités : « Zemmour : sa défense de Pétain. »

    CAPTURE D'ÉCRAN
    Très vite, Eric Zemmour revendique une capacité à dire n’importe quoi — « J’ai le droit à une interprétation libre des faits » — que ne possède pas son interlocuteur, aveuglé par l’idéologie : « Vous êtes de gauche, à ce que je sache. » « Je suis d’abord un historien. » « Non-non, vous êtes de gauche, ne cachez pas vos engagements politiques. Il n’y a pas de neutralité de l’historien. Vous êtes engagé politiquement, toute votre vie vous avez été à gauche, ce n’est pas une infamie mais il faut le dire aux gens. » « Patrick Weil, répondez ! », intime Nathalie Levy. Eric Zemmour insiste : « Vous étiez au cabinet de Pierre Mauroy, vous étiez avec Jean-Pierre Chevènement ! Vous étiez à gauche, pendant les années 80 vous avez eu des responsabilités sur la politique de l’immigration. » Beurk. Si ça se trouve, il a aussi appris l’arabe.

    CAPTURE D'ÉCRAN
    « Un peu de mesure, Patrick Weil ! », demande Eric Zemmour, qui n’en manque jamais. La première partie s’éternise, Nathalie Levy s’impatiente : « Je vous invite à être attentifs un petit instant. L’islamisme et l’immigrationnisme, c’est ce dont je souhaite parler dans cette deuxième partie. » Jolie performance. En une phrase, la présentatrice valide l’existence de «l’immigrationnisme », un vocable inventé par l’extrême droite, en même temps qu’elle associe naturellement islamisme et immigration(nisme). « Et je voulais poser cette question, Eric Zemmour. Ces deux aspects, l’islamisme et l’immigrationnisme, insiste Nathalie Levy, ont été voulus, théorisés, écrits et préparés à l’avance selon vous ? » « Zemmour : “La peur de l’islam” », alerte un bandeau. « Nous ne sommes plus dans l’immigration, certifie l’intéressé, nous avons une invasion et une colonisation. »

    Comme Patrick Weil déplore les lacunes de l’enseignement de l’histoire de la colonisation et de l’esclavage, son adversaire rétorque : « Certains historiens veulent nous apprendre une autre histoire pour faire plaisir aux populations venues d’ailleurs et oublier les racines chrétiennes de la France… » Nathalie Levy s’interpose : « Je voudrais nous ramener sur ce plateau parce qu’on s’est mis d’accord, il s’agit de parler de cette actualité-là, à l’heure actuelle, celle du temps présent. » Celle de l’islamimmigrationnisme.

    CAPTURE D'ÉCRAN
    « Je veux répondre sur les racines chrétiennes», réclame timidement Patrick Weil. Pas le temps, Nathalie Levy a une question d’actualité du temps présent à lui poser. « Je voulais vous demander, Patrick Weil, aujourd’hui en France, la peur de l’étranger, elle existe, c’est une réalité, elle est accentuée par la crise. » Pas du tout par BFMTV. « Comment on répond à cette angoisse ? » Accentuée par l’invité d’honneur de BFMTV, qui annonce « 400 000 étrangers de plus par an en France » et « des territoires entiers qui ne sont plus en France parce qu’ils sont complètement islamisés».

    Nathalie Levy ne relève pas, elle sollicite « Patrick Weil, pour aller plus loin… » Plus loin que Zemmour ? Je ne vois pas. Goebbels ? « Eric Zemmour est très largement majoritaire lorsqu’il exprimes ses réticences sur l’immigration. Les deux tiers des Français [des sondés, en réalité] considèrent qu’il y a trop d’immigrés en France… » Donc les deux tiers des Français approuvent Zemmour. CQFD. Puis Nathalie Levy passe au grand débat d’intérêt public de la rentrée politique. « Eric Zemmour, si on ne choisit pas un prénom français, on ne respecte pas son pays? »

    CAPTURE D'ÉCRAN
    « S’il vous plaît, messieurs !, s’interpose à nouveau Nathalie Levy. Le concept du grand remplacement de Renaud Camus vous semble-t-il recevable pour définir la transformation de la société française par l’immigration de masse extra-européenne, oui ou non ? » Encore une jolie performance. En une phrase, la présentatrice valide l’existence d’une « immigration de masse extra-européenne » et celle de la « transformation de la société française » par cette immigration. Seul reste en débat le « concept recevable » pour définir ces phénomènes. Grand remplacement ou grande invasion ? Grande islamisation ou grande colonisation?

    « Le grand remplacement, répond Eric Zemmour, il a déjà commencé, dans toutes nos banlieues. » «Donnez-nous des chiffres ! », réclame Nathalie Levy. Son invité ne lui en donne pas mais évoque l’abondance de boucheries halal voire de « librairies halal » (sic). Nathalie Levy se tourne vers Patrick Weil. « Je voudrais comprendre si vous vous dites aujourd’hui : “il y a danger”. Ce grand remplacement, est-ce que c’est notre avenir proche?» Ce n’est pas notre avenir, c’est notre présent, Eric Zemmour l’affirme et la présentatrice elle-même l’a dit : l’immigration de masse extra-européenne a déjà islamisé la société française.

    CAPTURE D'ÉCRAN
    Il est l’heure de la pub, « terminons, terminons !, ordonne Nathalie Levy. En conclusion ! » « Vous voulez une conclusion ? », demande Eric Zemmour. «Oui. » Une conclusion d’Eric Zemmour, bien sûr.

    DES CHIFFRES POUR APPRÉHENDER L'ANTI-MÉLENCHONISME DE LA PRESSE


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    « MÉLENCHON BASHING »
    LA UNE DU QUOTIDIEN LIBÉRATION
    DU LUNDI 22 OCTOBRE 2018 
    L'étude de la base de données europresse, qui permet d'estimer la tonalité d'un article, et celle des images utilisées pour représenter Jean-Luc Mélenchon, grâce à un algorithme de reconnaissance d'émotions, permettent d'aller plus loin dans l'analyse du "Mélenchon bashing".
    Étudiant à l'ENS de Cachan et militant de la France Insoumise.
    COUVERTURE DE
    LA FABRICATION DU CONSENTEMENT
    Connivence, solidarité de classe, soumission à la logique de marché et aux actionnaires : nombreuses sont les raisons qui, comme l’a montré Serge Halimi dans Les nouveaux chiens de garde [1], poussent les médias dominants et leur cohorte d’experts et éditocrates à se comporter en défenseurs de l’ordre social établi et de la contre-culture néolibérale. Il a aussi été démontré, grâce à La fabrication du consentement [2] de Chomsky et Herman ou L’opinion, ça se travaille [3] de Serge Halimi et Dominique Vidal, comment le système médiatique agit docilement au service des impérialismes nationaux, et en France d’une stratégie alignée sur celle de l’Otan.

    COUVERTURE DE
    LES NOUVEAUX CHIENS DE GARDE 
    Manifestement, ces idées sont à contre-courant de celles que porte Jean-Luc Mélenchon depuis des années. Quand en 1999, il s’oppose aux frappes de l’OTAN en ex-Yougoslavie, la presse les soutient largement en reprenant sans discernement la communication de l’organisation militaire [3] dont il prône aujourd’hui la sortie. Quand, en 2005, il est en première ligne de l’opposition au projet de traité constitutionnel européen, les médias mènent une campagne caricaturale pour le « oui » [4]. Quand il participe à tous les mouvements sociaux d’envergure des dernières années, la presse les dénigre activement. Dans ce cadre médiatique déjà naturellement défavorable à Jean-Luc Mélenchon, il est illusoire d’espérer qu’il puisse y bénéficier d’un traitement tout à fait honnête. Il est intéressant de constater que ce n’est effectivement pas le cas, sur la base d’analyses quantitatives conformes aux résultats indépendants de Thomas Guénolé.

    La base de données europresse, qui regroupe 3500 titres de presse, est capable d’estimer la tonalité de chacun de leurs articles parmi trois options : positive, neutre, ou négative. Cette méthode, qui repose sur la comptabilisation des mots à connotation positive ou négative, possède certes des limites - en particulier, elle est incapable de déceler les sarcasmes -, mais sur de grands échantillons d’article, elle reproduit assez fidèlement les résultats obtenus par des analystes. Observant ainsi la tonalité moyenne, mois par mois, des articles mentionnant plusieurs personnalités politiques, on peut estimer la teneur globale de leur traitement médiatique. Extrayant les données pour la période de janvier 2012 à aujourd’hui, on obtient les résultats suivants :

    FIGURE 1
    Figure 1: Fraction d’articles à tonalité négative selon europresse pour chacune de ces personnalités politiques sur la période du 1er janvier 2012 à aujourd’hui. 

    Les personnalités politiques sur ce graphe peuvent être classées en deux catégories. La première est celle de ceux qui jouissent d’une certaine bienveillance médiatique, avec une tonalité négative moyenne aux environ de 30 %. Il n’est pas surprenant de voir que le taux le plus faible (26 % seulement) est atteint, parmi cette liste, pour Alain Juppé. En 1995, l’excellent documentaire de Pierre Carles, Juppé, forcément..., exposait la campagne médiatique qui l’avait soutenu lors des municipales à Bordeaux. Cette année là, l’appui des médias au « plan Juppé » et leur mobilisation contre le mouvement social qui le combattait avait suscité la création de l’association de critique des médias Acrimed. Onze ans plus tard, à grand renfort de unes et sondages, il nous était vendu, en vue des primaires de la droite et du centre, comme le meilleur « rempart » contre le Front National [5].

    En face, la seconde catégorie qui apparaît est celle des « cibles » du système médiatique, dans laquelle on retrouve Marine Le Pen et Nicolas Dupont-Aignan ainsi que... Jean-Luc Mélenchon.

    Reductio ad Lepenum 

    On peut être surpris de constater que Jean-Luc Mélenchon est aussi repoussant (46 % de contenu négatif), pour la presse, que l’extrême droite. Pourtant, une des méthodes récurrentes de dénigrement de Mélenchon est, très précisément, l’assimilation fallacieuse à l’extrême droite. Pendant la période du 1er février au 22 avril 2017 de la campagne présidentielle, 17 % des articles à son sujet faisaient aussi référence à Marine Le Pen. Pour Benoit Hamon, qui était pourtant jugé suffisamment proche du candidat de la France Insoumise pour que soit envisagée une candidature commune, ce chiffre n’atteint même pas les 4 %. Durant cette même période, seuls 8 % des articles sur Nicolas Dupont-Aignan mentionnaient également la candidate du Front National, bien qu’il la ralliera après le premier tour. On peut ainsi lire que Mélenchon et Le Pen sont « jumeaux », « mariés », « en couple », « unis », « en tandem », « main dans la main ».

    Cette rhétorique absurde est particulièrement fréquente dans Le Monde, dont on se souvient de la une illustrée d’un dessin de Plantu intitulé « L’ascension des néopopulismes » représentant les deux, côte-à-côte, lisant le même discours, et arborant un brassard rouge inspiré de celui des SS. Le « journal de référence », ne s’est d’ailleurs pas retenu, pendant la campagne présidentielle, de publier des textes tels que « Le Pen, Mélenchon : un même danger pour l’Europe » ou encore « Les programmes de Le Pen et Mélenchon pourraient nuire gravement à la science ». Et le même journal, qui en général ne se gêne pas pour rassembler l’extrême droite xénophobe du Front National et la gauche écosocialiste de la France Insoumise derrière l’étiquette confuse des « populismes », de critiquer, très sérieusement, l’appellation alt-left pour désigner les progressistes aux États-Unis car elle fait écho à l’alt-right néofasciste : « En mettant sur le même plan suprémacistes néonazis, militants antiracistes et défenseurs des droits civiques, Donald Trump reprend à son compte une vieille stratégie d’extrême droite. [...] Sa mention par les tenants de l’alt-right rentre dans une logique de ”fausse équivalence”, une stratégie consistant à mettre en scène des comparaisons, sans tenir compte du contexte politique ou des faits historiques ».

    Lepénisme médiatique contre Mélenchon-bashing

    On regrette que les éclairs de lucidité du Monde soient d’horizon si limité. Car la paille américaine de l’équivalence alt-left/alt-right conduit au même effet justement dénoncé que la poutre française de l’assimilation Mélenchon/Le Pen : la dédiabolisation de l’extrême droite. Et cette dédiabolisation, les médias en ont bien souvent été l’instrument. « Grâce à Marine Le Pen, le côté macho et patriarcal du parti d’extrême droite appartient désormais au passé », décrète Europe 1. « La rébellion ne se niche plus dans le vote rouge mais bleu marine » affirme Le Monde.

    À l’inverse, Mélenchon fait l’objet d’un processus de diabolisation médiatique, par la construction d’un personnage tyrannique et colérique reposant en partie sur des choix iconographiques particuliers (couleurs sombres, visage ombragé) et le recours à des photographies peu avantageuses. En étudiant 1985 photographies de personnalités politiques utilisées en illustrations d’articles du Monde avec un algorithme de reconnaissance d’émotion par apprentissage automatique [6] (figure suivante), on observe ainsi que Mélenchon semble exprimer de la colère dans un tiers des images. Ce taux est inférieur à 10 % dans le cas de Marine Le Pen.

    FIGURE 2
    Figure 2: Émotions liées à 1985 photographies illustrant les articles au sujet de chacune de ces personnalités politiques sur le site du Monde, depuis le 1er janvier 2012. L’identification des émotions est réalisée par un algorithme d’apprentissage automatique.

    Cette dédiabolisation de Marine Le Pen, parallèle au dénigrement de figures alter-systèmeprogressistes comme Mélenchon, n’est pas le seul moteur médiatique de l’extrême droite. Il faut aussi ajouter la large diffusion des thèmes du Front National par la médiatisation croissante des « faits-divers qui font diversion » , et des unes racoleuses sur l’immigration ou l’islam à tel point que les français estiment en moyenne à 30 % la population musulmane en France alors qu’elle est en réalité d’à peine 8 % [7]. De tels dysfonctionnements du système d’information nous conduisent à déplorer, malgré la forme d’hostilité manifestement de façade de la presse quantifiée plus haut, la réalité du lepénisme médiatique. Et quand il faut vraiment choisir entre « les extrêmes » , pour certains le choix est vite fait. Il faut se souvenir des jubilations de la presse lorsque Mélenchon perdit à Hénin-Beaumont en 2012 face à Marine Le Pen.

    « Vous êtes au tapis, vous êtes KO » s’exclamait BFMTV , pendant que d’autres se félicitaient de le voir « dézingué » , « rhabillé pour l’hiver » (Europe 1), et « étrillé » après avoir « pris une douche » en se faisant « sortir » par cette « rouste » (Libération). Après tout, pour Yves Thréard du Figaro, «Mélenchon est le pire des xénophobes » . Et toutes ces petites voix médiatiques de résonner comme un écho de «plutôt Hitler que le Front Populaire ». La dépravation de la presse sous la collaboration, déjà, avait motivé les ordonnances - avortées - de 1944 pour la liberté de la presse, elles-mêmes inspirées du programme du Conseil National de la Résistance.

    Que faire ? D’abord, remettre la question des médias dans le débat politique, même si cela implique d’assumer pleinement la conflictualité avec un système dysfonctionnel, plutôt que de le cautionner avec l’espoir d’en obtenir l’assentiment. Ensuite, bien sûr, il nous faut contourner les médias dominants, que ce soit en soutenant la presse alternative, ou en investissant les autres lieux du débat public - y compris la rue qui déplaît tant à certains. À ce titre, une initiative ambitieuse comme Le Média est salutaire. Elle semble d’ailleurs répondre à une véritable demande, puisqu’elle a collecté plus d’un million d’euros depuis le lancement de sa campagne, le 11 octobre.

    1. [1] Serge Halimi. Les nouveaux chiens de garde. Liber, 2005.
    2. [2] Edward Herman Noam Chomsky. La fabrication du consentement (French Edition). Agone, 1695.
    3. [3] Dominique Vidal Serge Halimi. L’Opinion, ça se travaille. Agone.
    4. [4] Henri Maler. Médias en campagne; retours sur le référendum de 2005”. SYLLEPSE.
    5. [5] Laurent Dauré. Juppé, forcément... : le retour. Acrimed — Action Critique Médias, Nov 2015.
    6. [6] Octavio Arriaga, Matias Valdenegro-Toro, and Paul Plöger. Real-time convolutional neural networks for emotion and gender classification. CoRR, abs/1710.07557, 2017.
    7. [7] Pamela Duncan. Europeans greatly overestimate muslim population, poll shows. The Guardian, Dec 2016

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