lundi 4 mars 2019

PROSUR, L’INITIATIVE CONSERVATRICE CONTRE L’UNASUR



[ Cliquez sur l'image pour l'agrandir ]
ILLUSTRATION MARAVILLAS DELGADO
La crise vénézuélienne et la transition politique [le glissement fascisant SXXIlatino-américaine ont mis un frein à l’intégration régionale. Dans ce contexte, plusieurs gouvernements libéraux et conservateurs ont proposé la création d’une nouvelle instance, Prosur, en remplacement de l’Unasur.

LE FOU DU ROI ET LE CLOWN 
PHOTO AGENCIA UNO
Le 8 décembre 2004, la déclaration de Cuzco marquait la naissance de l’Union des nations sud-américaines (Unasur). Celle-ci consiste en une union économique et politique de l’ensemble de l’Amérique du Sud s’appuyant sur la proximité linguistico-culturelle de la région. Elle associe les pays du Mercosur avec ceux de la Communauté Andine, ainsi que le Chili, le Guyana et le Suriname. Cette union se voulait étendue à des sphères d’actions variées, de l’économie à l’éducation, en passant par l’environnement ou la défense.

L’idée était d’instaurer une organisation institutionnelle supra-nationale en s’inspirant du modèle de l’Union Européenne. L’Unasur a par ailleurs obtenu le statut de membre observteur à l’Assemblée générale de l’ONU en 2011. En 2017, nous affirmions que “si le Mercosur est une réalité plus concrète à ce jour, l’horizon de l’intégration politique latino-américaine se trouve a priori davantage vers l’Unasur, qui semble plus apte à devenir une véritable force diplomatique si les difficultés traversées par certains pays de la régions n’entraînent pas un mouvement inverse de dislocation régionale”.

Prosur, organisation des pays conservateurs

Il semble cependant que ce soit le second cas de figure qui soit en train de se produire. La transition politique à droite du continent, amorcée depuis 2015 et la crise vénézuélienne fragilisent ainsi l’organisation. En avril 2018, six pays – Argentine, Brésil, Chili, Colombie, Paraguay, Pérou – ont annoncé suspendre leur participation. Le motif ? Un contentieux sur la présidence tournante qui devait revenir à la Bolivie, dont le gouvernement est allié de Nicolás Maduro. Depuis, la Colombie a annoncé son retrait définitif en août. Il n’y a plus eu de réunion entre les présidents des pays membres depuis 2015. De plus, les locaux de l’institution – siège à Quito (Équateur) et parlement à Cochabamba (Bolivie) – sont inutilisés. Enfin, le projet de banque Sud-Américaine est resté lettre morte, tout comme celui d’une monnaie commune.

L’initiative de la création de Prosur vient du Chili et de la Colombie. C’est le président chilien Sebastián Piñera a présenté ce projet visant à remplacer l’Unasur. Celui-ci a déclaré en outre que l’Unasur avait échoué en raison de son “excès d’idéologie et de bureaucratie”. Il a de plus affirmé que le nouveau bloc régional serait ouvert à tous les pays sud-américains suivant deux critères fondamentaux : le respect de l’État de droit ainsi que celui des libertés et des Droits de l’Homme. Il considère notamment que l’organisation doit s’appuyer sur l’expérience de l’Alliance du Pacifique. Plusieurs anciens ministres chiliens des relations extérieures – Muñoz, Valdes, Insulza – ont critiqué la proposition du président Piñera. Pour eux, la nouvelle organisation serait surtout un forum conservateur, une “Alba de droite” pour José Miguel Insulza.

Une organisation sans avenir ?

Un premier sommet Prosur aura néanmoins lieu au Chili, en mars 2019. Tentant d’agréger un maximum de pays pour y participer, le président Piñera a invité tous les pays de la région, à l’exception du Venezuela, considérant que la démocratie n’y est pas respectée, ni les libertés individuelles. Juan Guaidó, leader de l’opposition vénézuélienne sera quant à lui présent, infirmant le caractère “anti-idéologie” de la réunion. La Bolivie, est également invitée. Néanmoins cette-dernière entretient des rapports exécrables avec Santiago en raison de leur différend maritime. Il est donc improbable qu’elle participe, au même titre que l’Équateur et l’Uruguay.

Les contours de Prosur sont encore totalement flous, mais la création est avant tout révélatrice des fractures qui traversent actuellement l’Amérique latine, qui continue de voir se multiplier ces organisations régionales qui se concurrencent. L’avenir de Prosur dépendra de la couleur politique des gouvernements qui la composent. Il en va d’ailleurs de même pour les autres organisations régionales latino-américaines. En soi, il apparaît difficile d’envisager un destin positif à la future organisation.

Pour aller plus loin: