samedi 30 mars 2019

QUAND JAIR BOLSONARO VEUT CÉLÉBRER LE COUP D’ÉTAT DE 1964


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CÉRÉMONIE DE REMISE DES DIPLÔMES ET COMMÉMORATION
DU COUP D’ÉTAT MILITAIRE DE 1964, À SAO PAULO, BRÉSIL
LE 28 MARS 2019 PHOTO NELSON ALMEIDA
L’exigence du président brésilien de «commémorer » le 55ème anniversaire du coup d’État militaire de 1964, qui a ouvert la voie à vingt ans de dictature, a suscité une avalanche de protestations. 
DESSIN VITOR TEIXEIRA
L’initiative, venue d’un chef d’État habitué à flatter les tortionnaires et vanter les régimes autoritaires pourvu qu’ils soient étiquetés à droite, n’a finalement rien d’étonnant. Mais quatre ans après le travail de la Commission de la vérité, recensant les horreurs de la dictature militaire (1964-1985), l’exigence de Jair Bolsonaro de «commémorer» le 55ème anniversaire du coup d’État de 1964, reste un choc.

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C’est que pour le président ancien capitaine d’infanterie, de coup d’État il n’y eut point. Lorsqu’il parle de ce 31 mars de 1964 qui conduisit l’armée à renverser le président de gauche Joao Goulart, ouvrant la voie à une dictature de plus de vingt ans, Jair Bolsonaro évoque une « révolution démocratique ». Un terme repris par certains généraux.

Pour une partie de l’armée comme pour Jair Boslonaro les militaires ont « sauvé » le Brésil de la menace communiste. Jamais avare d’une provocation, le président s’est même laissé aller à comparer les exactions de l’époque à des « petits problèmes » comme il en existe « dans les couples ».

« Appelons les choses par leur nom. Bolsonaro parle de “petits problèmes” pour nier la dictature : viols de femmes, tortures d’enfants, séquestrations, coups, assassinats d’opposants. Ce président n’a pas de dignité », s’est étranglé sur Twitter le député Marcelo Freixo du Parti socialisme et liberté (PSOL) ajoutant : « Nous avons un gouvernement de fanatiques. »

Dans la foulée, le mot-clé #DitaduraNuncaMais «Ditadura nunca mais » (« la dictature plus jamais ») s’est répandu sur les réseaux sociaux pour rappeler à la mémoire du président et de ses fans les barbaries de la période. Les uns remémorant le supplice de Stuart Angel, 25 ans, traîné derrière un véhicule, obligé de mettre la bouche dans le pot d’échappement et dont les ossements ont été identifiés quarante-trois ans après sa mort, les autres évoquant le calvaire de Carlos Azevedo torturé alors qu’il n’avait qu’un an et huit mois, avant de se suicider en 2013.
« Les militaires ont toujours été des révisionnistes. Jair Bolsonaro, lui, est un négationniste. »
La dictature qui suivit le coup d’Etat de 1964 a fait officiellement 434 victimes et disparus, recensés par la Commission de la vérité mise en place par la présidente de gauche Dilma Rousseff, élue en 2010. Ancienne guérillera elle-même torturée, c’est la dauphine de Lula qui mettra fin aux célébrations du 31 mars 1964, jusqu’ici tolérées dans les casernes. « Les militaires ont toujours été des révisionnistes. Jair Bolsonaro, lui, est un négationniste », se désole Rosa Cardoso, avocate qui défendit des prisonniers politiques sous la dictature.

Reste que les festivités souhaitées par un président, qui multiplie les faux pas et est désormais décrit par les éditorialistes comme un bouffon dépassé par sa fonction, ont suscité une avalanche de protestations de la part des associations de victimes mais aussi d’institutions. Le ministère public a ainsi affirmé que célébrer un coup d’État était « incompatible avec un État de droit démocratique ».

Acculé, Jair Bolsonaro est revenu sur ses propos jeudi 28 mars affirmant que l’idée était de se « remémorer » et non de « commémorer » la date controversée tandis que le lendemain, une juge de Brasilia interdisait toute célébration faisant affront à « la mémoire et la vérité », indiquant que l’initiative était « incompatible » avec la Constitution de 1988.
Claire Gatinois (Sao Paulo, correspondante)