lundi 11 mars 2019

VÉNÉZUÉLA : L’OPPOSITION A LE DISJONCTEUR QUI SAUTE


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LA COUPURE D’ÉLECTRICITÉ ENTRAÎNE UNE
RUPTURE DE L’APPROVISIONNEMENT EN EAU.
PHOTO CRISTIAN HERNANDEZ
Le courant n’était toujours pas rétabli hier au Venezuela. Le putschiste Juan Guaido entendait tirer parti de ce sabotage pour décréter l’état d’urgence.
LES COMMUNICATIONS
CELLULAIRES SONT DIFFICILES
PHOTO MATIAS DELACROIX
Imagine-t-on les gigantesques pannes d’électricité qui frappent régulièrement la Californie susciter un émoi international ? C’est pourtant ce qui se produit depuis que le Venezuela a été plongé, jeudi après-midi, dans le noir. À peine trois minutes après le début de la coupure, le sénateur états-unien Marco Rubio accusait le président Maduro d’en être responsable. Une réaction qui a inspiré cette ironie au ministre de la Communication, Jorge Rodriguez : « Cet homme a des dons de devin, moins de trois minutes après le sabotage technique et criminel, Rubio apparaît en annonçant l’action. » L’autre salve est venue du secrétaire d’État états-unien Mike Pompeo : « Il n’y a rien à manger, il n’y a pas de médicaments et maintenant pas d’électricité… bientôt pas de Maduro. »

Le gouvernement vénézuélien fournira à l’ONU des preuves des cyberattaques

UNE IMPORTANTE PANNE ÉLECTRIQUE S’EST DÉCLARÉE
JEUDI DANS PLUSIEURS PROVINCES DU VENEZUELA
ET LA CAPITALE CARACAS.
PHOTO CRISTIAN HERNANDEZ
L’autoproclamé président du pays par intérim, Juan Guaido, n’a pas tardé à leur emboîter le pas. Il entendait hier tirer parti de cette panne pour exhorter le Parlement à voter l’état d’urgence afin de faciliter l’entrée de la prétendue aide humanitaire, alors que sa précédente opération à la frontière colombienne s’était soldée par un échec. Samedi, le président du Parlement appelait à une marche nationale sur Caracas et répétait également devant ses partisans qu’il était prêt à autoriser une intervention militaire étrangère grâce à l’article 187 à disposition du pouvoir législatif. À l’offensive également, le groupe de Lima (Argentine, Brésil, Canada, Chili, Colombie, Costa Rica, Guatemala, Honduras, Mexique, Panama, Paraguay, Pérou), qui a rendu « le gouvernement illégitime de Maduro exclusivement responsable de l’effondrement du système électrique vénézuélien ».

YADIRA DELGADO HABITE CARACAS. ELLE BOIT
SON CAFÉ ÉCLAIRÉE À LA BOUGIE DEPUIS JEUDI.
PHOTO CRISTIAN HERNANDEZ 
Plutôt que d’une coupure liée à l’incurie du gouvernement, le ministre de la Communication évoque plusieurs actes de sabotage, dont une cyberattaque du réseau électrique et du système de communication provoquant des défaillances dans le système de la centrale hydroélectrique de Guri, qui alimente plus de 70 % du pays. Le gouvernement a assuré qu’il fournirait à l’ONU « des preuves » de ces accusations. Le magazine américain Forbes, peu suspect de sympathies bolivariennes, affirme également que le sabotage pourrait être dû à des hackers situés aux États-Unis. Ces sabotages relèvent d’une technique effectivement évoquée dans un document de l’Air Force Institute of Technology, dans le cadre d’une guerre non conventionnelle.

 ELVIA HELENA LOZANO, UNE HABITANTE DE CARACAS,
A RESSORTI UNE VIEILLE LAMPE À PÉTROLE.
PHOTO CRISTIAN HERNANDEZ
Alors que le ministre de la Communication appelait, hier, les Vénézuéliens « au calme », le putschiste Juan Guaido les a au contraire incités à descendre dans la rue « parce que ce régime (les) laisse mourir ». Il a également une nouvelle fois demandé à l’armée de cesser d’être loyale vis-à-vis des autorités élues. Fin février, les militaires avaient déjà subi de graves menaces du président Donald Trump : « Continuez à soutenir Maduro (et) vous n’aurez aucun endroit où vous réfugier, pas de sortie possible. Vous perdrez tout ! » Le pourfendeur des « fausses informations » n’a pourtant pas pris soin de corriger un autre fait, pourtant largement diffusé par son administration, selon lequel le gouvernement vénézuélien aurait incendié des camions convoyant de l’aide humanitaire à la frontière. Il s’agissait en réalité d’une manipulation de l’opposition, déterminée à allumer l’étincelle qui provoquera l’intervention étrangère, faute de parvenir elle-même à renverser le pouvoir depuis des années.
Lina Sankari