lundi 8 avril 2019

LE MESSAGE EXCLUSIF DE LULA AUX LECTEURS DE L’HUMANITÉ


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LULA DA SILVA
PHOTO L’HUMANITÉ
Depuis sa prison, l’ancien président nous a fait parvenir ce texte où il remercie les marques de soutien et appelle à poursuivre la mobilisation pour sa libération et pour le respect de la démocratie au Brésil.

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«LUÍS INÁCIO (300 PICARETAS)» 
(LUIZ INÁCIO L’A DIT, LUIZ INÁCIO A PRÉVENU / 
CE SONT TROIS CENTS PICARETAS AVEC 
DES TITRES DE DOCTEUR.)   
INTERPRÉTÉE PAR LES «OS PARALAMAS DO SUCESSO»
CHANSON ÉCRITE ET COMPOSÉ PAR HERBERT VIANNA, 
AVEC LA PARTICIPATION SPÉCIALE DE JAIRO CLIFF, 
DE LA BANDE DE REGGAE LORD MARACANÃ. 
PHOTO RICARDO STUCKERT
Le monde regarde aujourd’hui avec inquiétude et tristesse les graves revers subis au Brésil depuis le coup d’État de 2016 qui a déchiré la Constitution et les votes de 56 millions de Brésiliens, renversant la présidente Dilma Rousseff. Première femme à occuper la présidence du pays, Dilma a été élue en 2010, réélue en 2014 et révoquée deux ans plus tard, sans qu’aucun acte illicite ait été commis.

Depuis lors, le Brésil traverse l’un des moments les plus critiques de son histoire. Le processus de développement avec inclusion sociale initié en 2003, qui a suscité une telle admiration autour de la planète, a été violemment interrompu. Ce pays qui a sauvé des millions de personnes de l’extrême pauvreté, qui s’est sorti de la carte mondiale de la faim pour la première fois en 500 ans, qui a exporté des politiques sociales réussies sur le continent africain, qui entretenait un dialogue égal avec les plus grandes puissances du monde et qui s’est battu pour la paix entre les peuples est aujourd’hui son exact opposé.

Je suis emprisonné depuis le 7 avril 2018, sans aucune preuve d’un quelconque crime commis. Ma vie et celle de ma famille ont été dévastées. Ma résidence a été envahie et retournée par la police. Des années et des années d’enquêtes féroces n’ont pas retrouvé dans mes comptes un centime suspect, dont l’origine ne peut être prouvée, aucune évolution patrimoniale incompatible avec le fruit de mon travail. Pas de yachts, hôtels particuliers cinématographiques, sacs d’argent, comptes secrets : rien. Même après avoir été président, je suis retourné vivre dans le même appartement dépourvu de luxe, dans la région métropolitaine de São Paulo.

J’ai été reconnu coupable et emprisonné pour « des actes non spécifiés », une bizarrerie juridique qui n’existe pas dans le droit pénal brésilien. J’ai présenté une abondance de documents prouvant mon innocence. Mes accusateurs, en revanche, n’ont trouvé aucune preuve contre moi.

Cela fait un an que je suis enfermé en isolement, non autorisé à donner des interviews. On m’a interdit de me présenter à l’élection présidentielle de 2018, lorsque tous les sondages d’opinion indiquaient que j’étais largement en tête. La voie devenait donc ouverte pour la victoire du candidat de l’extrême droite, rendu célèbre par son discours raciste, homophobe et misogyne, ainsi que pour la défense sans compromis de la torture et du régime totalitaire mis en place au Brésil par le coup d’État militaire et civil de 1964.

Le juge de première instance qui avait commis tant d’injustices et qui m’a condamné sans preuve a été promu au poste de ministre de la Justice du nouveau gouvernement. Il est le supérieur hiérarchique de ma prison, ce qui serait impensable dans l’État de droit constitutionnel et démocratique. Le président actuel, élu sur la base de la divulgation massive d’informations mensongères – même tactique récemment utilisée dans d’autres pays – a accéléré le démantèlement de la situation de la protection sociale mise en place depuis l’arrivée du Parti des travailleurs (PT) en 2003.

Les politiques publiques associant développement économique et justice sociale ont été abandonnées. Les droits du travail historiques sont abrogés. Les inégalités sociales se sont creusées. Des millions de personnes ont été poussées dans l’extrême pauvreté. Le nombre de chômeurs dépasse la barre des 13 millions. La faim et la mortalité infantile sont de retour. La recherche du dialogue et de la paix a été remplacée par le discours et la pratique de la haine et de l’intolérance. Le Brésil saigne.

En ce moment de grande douleur, causée non seulement par les injustices commises contre moi, mais surtout par les graves menaces pesant sur la démocratie et les souffrances imposées à notre peuple, je tiens à remercier les expressions de solidarité qui m’arrivent du monde entier. Et réaffirmer que nous n’abandonnerons pas la lutte tant que le Brésil et les Brésiliens ne seront heureux à nouveau.
Traduction : Mônica Passos, auteure, compositrice, chanteuse brésilienne.