jeudi 9 août 2018

IVG REJETÉ EN ARGENTINE : «OPUS DEI, QUEL FACHO TU ES !»

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CAPTURE D'ÉCRAN DU RÉSULTAT DU VOTE
Après cinq mois de mobilisation des militantes et seize heures trente de débat mercredi dans la nuit, les sénateurs ont rejeté, sous la pression de l'Église catholique, le projet de loi instituant l'avortement légal et gratuit, qui avait été approuvé par les députés. Il pourrait être représenté l’année prochaine.
DES PARTISANES DU DROIT À L’AVORTEMENT APRÈS LE VOTE
DES SÉNATEURS CONTRE LE PROJET DE LOI,
À BUENOS AIRES, LE 9 AOÛT 2018.
PHOTO EITAN ABRAMOVICH / AFP
«Ils nous laissent dans la même situation d’abandon de l’État qu’avant tous ces débats, explose Laura, militante féministe de 22 ans. Des femmes meurent d’avortements clandestins, ils l’ont reconnu et ont fermé la porte pour ne pas voir, ne nous ont proposé aucune alternative pour lutter contre cette situation terrible.»

L’issue du vote était attendue et la très longue session parlementaire (seize heures trente de débats), s’est déroulée sans suspens, les sénateurs ayant anticipé leur vote depuis plusieurs jours. La nouvelle est néanmoins tombée comme un couperet à 2h40 du matin, dans la nuit glaciale et pluvieuse de l’hiver austral, brisant l’élan festif des centaines de milliers de manifestants au foulard vert (le symbole de la lutte pour la légalisation de l’avortement). Encore plus nombreux que lors du vote des députés, la nuit du 13 au 14 juin, ils ont déferlé sur la place du Congrès et débordé dans toutes ses rues adjacentes.

Les larmes faisaient dégouliner le maquillage vert à paillettes sur les joues de Laura, alors qu’elle s’époumonait encore : «Opus Dei, quel facho tu es!», l’un des chants des militantes féministes. Le poids de l’Eglise a indéniablement pesé lourd dans la balance a fait émerger le prochain combat des pro-légalisation : la séparation de l’Église et de l’État.

Les militants anti-choix, eux, jubilaient à l’annonce du résultat. Agitant leurs banderoles bleu ciel, de la couleur du drapeau argentin, ils chantaient leur slogan : «sauvons les deux vies [celles de la femme et celle du fœtus, ndlr]»

Plus un tabou

Ces deux visions de cette question et de la société sont difficilement réconciliables. Mais ces derniers cinq mois de mobilisation ne sont pas entièrement perdus : le mot d’avortement n’est aujourd’hui plus un tabou et les nombreux débats et expositions scientifiques ont fait changer d’avis la société. Tous les sondages montrent qu’elle est favorable à une légalisation. Le projet de loi pourra quant à lui être représenté l’année prochaine.

«Et s’il ne passe pas la semaine prochaine, nous le représenterons l’année d’après, scande au mégaphone Julia Mendez, militante féministe, sur la place qui se vide. C’est la septième fois que nous le présentons, jamais nous n’avions été si proches du but.» « Demain, nous serons toujours le mouvement populaire et transversal le plus fort du pays, clame Señorita Bimbo, humoriste et référente féministe. Demain nous sècherons nos larmes et nous continuerons d’avancer. Il n’y aura pas un pas en arrière.» Au petit matin, la place s’est vidée et le centre ville se réveillera bientôt orné d’affiches qui paraissent déjà anachroniques : «avortement légal, à l’hôpital !»